jeudi 23 août 2007

Trompe-l'œil

 
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Trompe-l'œil

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Pere Borrell del Caso, huile sur toile, Madrid (1874)
Pere Borrell del Caso, huile sur toile, Madrid (1874)
Une des premières entreprises de la peinture n'a-t-elle pas été de figurer d'abord sur des murs, puis des toiles, des images de notre environnement ? Cette figuration a mené à des lois de perspective et développé une technicité picturale qui reste une des grandes directions de l'art.
Jeu de séduction et de confusion du spectateur, le trompe-l'œil a porté très évidemment son choix plus volontiers vers des sujets inanimés ou statiques.
Le domaine du trompe-l'œil ne se limite pas qu'au tableau ; lorsqu'il en dépasse le cadre, il envahit le mur tout entier et devient peinture murale. L'architecture y est alors figurée selon les lois de la perspective pour le spectateur ; elle peut aussi, dans une illusion saisissante, être un vrai trompe-l'œil architectural.
Malgré tout ne confondons pas tromperie efficace et représentation picturale très réaliste : Un objet qui sort du cadre et peint sur le bord du tableau est souvent un trompe-l'œil destiné à montrer que le reste du tableau n'en est pas un (Voir les écrits de Daniel Arasse : Le Détail, pour une histoire rapprochée de la peinture), une vue en perspective dans un cadre est une représentation, une perspective peinte dans le décor même pour en prolonger la réalité, un trompe-l'œil, comme les moulures et fenêtres décorant les façades italiennes de la Ligurie.

Sommaire

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Le tableau en trompe-l'œil [modifier]

Illusion de la perception [modifier]

Nature morte aux poissons peinte par Cornelis Norbertus Gysbrechts
Nature morte aux poissons peinte par Cornelis Norbertus Gysbrechts
La technique du peintre se mesure à une représentation convaincante et troublante de réalité. Et pour ajouter au rendu pictural, le peintre de trompe-l'œil règle la position du tableau : la hauteur d'accrochage du tableau sur le mur est ajustée en fonction du regard du spectateur. La distance au tableau est elle aussi essentielle, la construction perspective du tableau en dépend.
Le jeu de l'ombre et de la lumière confirmera la justesse des couleurs, rendant pertinente la représentation d'objets. Leur présence est si trompeuse qu'ils semblent appartenir à l'espace réel du spectateur. Vrais objets ? Cette vérité du trompe-l'œil, patiemment et habilement fabriquée est un art du faux, faux semblant, ruse de la couleur et du dessin exact. L'ombre est reine qui modèle les volumes et les reliefs et répond à sa complice la lumière. La curiosité du spectateur est piquée à ce pari du trompe-l'œil dont on sort conquis, mais pas dupe. Ce clin d'œil avec le « voyeur » du tableau en donne bien la limite.
Le clin d'œil et l'humour qui accompagnent bien souvent le trompe-l'œil en sont l'élégance. La distance a fondé le point de vue, l'approche du tableau révélera le stratagème : il ne s'agit que de peinture mais l'art a joué son rôle.

Décoration en trompe-l'œil [modifier]

Le trompe-l'œil a excellé dans les natures mortes, les chantournés, les grisailles de bas-reliefs, les étagères, les faux cadres, les faux objets, les dessus de porte, devants de cheminées, devants de feu.
En décoration, le trompe-l'œil s'attache à imiter les matières, bois, marbre, appareillage de pierre se fondant avec l'architecture.

L'Illusion architectonique [modifier]

Peinture architectonique [modifier]

La peinture est la grande alliée de l'architecture. La perspective n'est elle pas le premier outil de la peinture pour rendre compte de l'espace sur la planéité de son support ? La couleur, quant à elle, inventera la lumière et l'ombre dans cet espace figuré.
Cité  idéale, Piero della Francesca
Cité idéale, Piero della Francesca
L'illusion d'espaces figurés prolongeant l'espace réel du spectateur a été au cœur des démarches de Piero della Francesca (XVe siècle), maître dans l'art de la perspective (De prospectiva Pingendi, son traité sur la perspective en peinture), mais qui ne cède jamais aux effets du trompe-l'œil.
Peint à même le support mural de l'architecture qu'il sert et prolonge, le trompe-l'œil est construit et s'appuie sur les lois de la perception. Le peintre construit l'illusion d'un monde en trois dimensions sur une surface plane.
Cette construction picturale est basée sur une vision monoscopique fondée sur un point de vue unique du spectateur. La perspective choisie est fonction de ce point de vision précis, mais la perspective des fuite des lignes de la peinture se déformera si le spectateur quitte ce point de vue privilégié.
Plus tard, au XVIIIe siècle, Giambattista Tiepolo secondé par le quadraturiste Gerolamo Mingozzi Colonna, peint les extraordinaires fresques du Palais Labia à Venise. À Würzburg, en Allemagne, il décore de fresques la grande salle à manger de la résidence du prince-évêque Karl Philipp von Greiffenklau, puis du monumental escalier.
Tiepolo a joué subtilement dans ses peintures murales avec des couleurs d'une légèreté aérienne, de points de fuite multiples et successifs, trichant ainsi avec les lois même de la perspective unique.
Point de fuite simple ou multiple, l'artiste construit une véritable scénographie qui conduit et perd le regard, art savant qui donne à voir et à croire.
La couleur aussi dans son traitement pictural est sujette à une perspective aérienne (ou atmosphérique) qui tient compte de la proximité ou de l'éloignement (lointains bleutés). La netteté des plans rapprochés, le flou des lointains, la diminution des contrastes avec l'éloignement contribuent à rendre sensible une profondeur figurée sur une surface plane.
« L'air joue un si grand rôle dans la théorie de la couleur que, si un paysagiste peignait les feuilles des arbres telles qu'il les voit, il obtiendrait un ton faux ; attendu qu'il y a un espace d'air bien moindre entre le spectateur et le tableau qu'entre le spectateur et la nature. Les mensonges sont continuellement nécessaires, même pour arriver au trompe-l'œil. »
Charles Baudelaire, De la Couleur, Salon de 1846.

L'anamorphose [modifier]

Peinture murale. Mur peint avec anamorphose de Dominique Antony
Peinture murale. Mur peint avec anamorphose de Dominique Antony
Trompe-l'œil architectural. Fausse façade en anamorphose de Dominique Antony
Trompe-l'œil architectural. Fausse façade en anamorphose de Dominique Antony
L'anamorphose (nous ne mentionnerons pas ici des anamorphoses à systèmes où des miroirs, cylindriques ou conique révèlent une image) est une perspective outrée où le regard ne se porte plus perpendiculairement à la surface peinte (le mur ou le tableau vu en face de soi) mais où l'œil regarde le mur en biais : l'illusion du relief en sortira.
L'anamorphose sait restituer à l'architecture son volume. L'anamorphose soudain nous regarde et nous renvoie à notre regard, questionné par l'image inattendue qui apparaît là ou seule l'architecture propose sa réalité.
Andrea Pozzo (1642-1709), peintre et architecte rentré dans l'ordre des Jésuites est l'auteur des fresques du Gesù et de Saint-Ignace à Rome. Il publiera ses théories dans un ouvrage : Perspectiva pictorum et architectorum.

Le trompe-l'œil architectural [modifier]

La galerie construite par Francesco Borromini, Palazzo Spada à Rome
La galerie construite par Francesco Borromini, Palazzo Spada à Rome
Coupe de la galerie construite par Francesco Borromini, Palazzo Spada à Rome
Coupe de la galerie construite par Francesco Borromini, Palazzo Spada à Rome
Plan de la galerie construite par Francesco Borromini, Palazzo Spada à Rome
Plan de la galerie construite par Francesco Borromini, Palazzo Spada à Rome
Cette longue galerie de colonnes du Palazzo Spada construite par Francesco Borromini est en fait un trompe-l'œil architectural. La galerie qui paraît profonde (apparence de 35 mètres) est de modeste dimension : elle mesure 8,82 mètres et en fond, la statue ne fait que 50 centimètres ! Borromini a conçu une architecture théâtrale en raccourci, dite aussi perspective accélérée qui donne une illusion de distance et de profondeur très convaincante.

Les facettes du trompe-l'œil [modifier]

Tableau en trompe-l'œil à Schwetzingen
Image en trompe-l'œil sur un mur de Narbonne
Illusion, imitation, représentation, la réalité de notre environnement proche ou plus lointain est ici célébrée, petits objets du quotidiens accrochés au mur ou disposés sur une étagère, architecture de colonnes, peintes ou construites, murs peints dans la ville, le trompe l'œil se joue souvent avec humour de notre fascination en utilisant avec a priori les lois de la perspective et de la perception.
Le trompe-l'œil, qu'il soit contemporain ou d'époques plus anciennes, propose une illusion de la réalité faite pour surprendre, intriguer et ravir le spectateur.

Bibliographie [modifier]

  • Cadiou trompe-l'œil, Seth Eastman Moebs édit (1983)
  • La peinture en trompe-l'œil, Cadiou et Gilou, édit. Dessain & Tolra (1989)
  • Illusion in art, M.L. d'Otrange Mastai, Abaris Books, New York
  • Images of deception, Célestine Dars, Phaidon
  • L'œil ébloui, Georges Perec et Cuchi White
  • Le XIXe siècle des panoramas, Bernard Comment, Adam Biro
  • Le Détail, pour une histoire rapprochée de la peinture, Daniel Arasse

Voir aussi [modifier]

Articles connexes [modifier]

Liens externes [modifier]

Cet article fait partie de la série Peinture
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